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Couleur, écriture et décoration

La couleur a toujours eu des liens étroits avec l'écriture.
Dans tout le monde antique, des inscriptions gravées et peintes peuvent être relevées sur les murs des temples ou sur des stèles funéraires.
Le texte du papyrus Prisse d'Avennes (le plus ancien livre connu
daté de 1800 av. J.-C.) est écrit en noir, le rouge est réservé aux titres et au début de chapitres. L'habitude d'écrire les intertitres en rouge perdure sous le nom médiéval de « rubrique » (du latin rubricare colorer en rouge).


Doctrina ecclesiastica secundum Nicaenum concilium
9e s.
RES MS B 39

La rubrication est l'une des étapes du processus de réalisation d'un manuscrit qui consiste à enrichir l'écrit original de textes additionnels à l'encre rouge pour plus d'intensité. La rubrication s'effectue en général a posteriori, par le scribe lui-même ou un « rubricateur » spécialisé, ce qui suppose que les espaces nécessaires soient réservés et que le texte à inscrire soit discrètement noté en marge de la page (marginalia).

Apocalypsi, psalmi
11e s.-12e s.
RES MS B 45

Cette pratique marque souvent la fin d'une section d'un texte et le début d'une autre, mais aussi peut servir à mettre en valeur une autre division du texte. Les fêtes importantes des calendriers liturgiques étaient aussi souvent « rubriquées ».
Les scribes de la fin du Moyen Âge élargissent la pratique de la rubrication à l'utilisation d'autres couleurs, le plus souvent le bleu et le vert.

Incipit liber dialogorum beati Gregorii P. P. ad Petrum de vita et miraculis sanctorum virorum
8e s.
RES MS B 120

Cette relation intime entre la couleur et la fonction se perpétue à travers la décoration : lettrines filigranées, lettrines peintes, miniatures et enluminures.
Pour les lettrines, un petit point de peinture peut être apposé par le scribe pour indiquer la teinte exacte à utiliser et le nom des couleurs peut être indiqué dans la marge sous forme abrégée par exemple (r = rose).
La première étape de la conception de l'enluminure est le croquis préparatoire à l'aide d'un poncif, sorte de calque avec des trous. L’étape suivante, la dorure, est exécutée avant la mise en couleur. L’or est appliqué en couche extrêmement fine sur la surface préparée spécialement. La peinture constitue la dernière étape, et la plus importante de toutes. Le pigment en poudre est mélangé à un liant qui colle les particules de couleur entre elles et sur le support. Les ombres et les tons foncés sont d'abord ajoutés, suivis par les rehauts de lumière et les tons clairs qui viennent compléter le modelé.
L’usage de très petits pinceaux et de peinture bien fluide est indispensable à l’exécution de motifs très fins.
C'est dans les manuscrits inachevés que l'on se rend le mieux compte des opérations successives de l'enlumineur.

Le processus de décoration d’un manuscrit est long et très onéreux. Par conséquence, les ouvrages enluminés sont des objets luxueux réservés à une riche clientèle.

Liber hymnorum et precum, cum cantu notato
15e s.
RES MS A 46

 



  Le livre haut en couleursLes matériaux de la couleur au Moyen-Âge