La reliure : parer le livre de couleurs
La couleur n'est pas uniquement présente dans le livre à travers
son contenu : l'objet en lui-même peut aussi s'avérer particulièrement coloré
à travers sa reliure.
Le relieur, qu'on nommait « le lieur » lors de l'apparition de ce métier, est appelé ainsi car il coud ensemble les cahiers d'un livre. Avant l'an mil, il couvre le livre de cuir, l'aspect esthétique ne n'intervient pas, sauf exception, dans son travail. Il utilise uniquement des cuirs non teintés, de mauvaise qualité, ou du parchemin. C'est à la suite des croisades que les techniques progressent : tannage du cuir, teinture, estampage, gaufrage, cuir incisé et dorure des peaux. On voit alors se développer les premières reliures à décors.
Ceux-ci se font « à froid », c'est-à-dire, sans couleur. Les nuances restent ainsi subtiles. Signets et tranchefiles, en tête et queue (bas et haut) du dos, ponctuent discrètement le livre de couleurs.
Dès le 15e siècle, ce sont les tranches qui s'animent de couleurs : il existe alors un grand choix de décors peints et de tranches dorées.
Avec l'évolution des techniques, la reliure prend son essor et la couleur envahit les décors dès le 16e siècle. Tout d'abord, par les dorures : les dorures à l'or et à l'argent ainsi que l'ajout de cires colorées viennent habiller les reliures et compléter les décors à froid.
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Le doreur possède alors une gamme d'outils développée : les fers (roulettes, fleurons, plaques), aux motifs nombreux et plus fins, permettant la sophistication des décors.
Au cours du 17e siècle, c'est grâce aux progrès du tannage que le cuir prend des couleurs. Les cuirs « maroquins » (chèvre) rouges et noirs sont privilégiés pour les reliures de luxe. En reliure courante, c'est le veau fauve (ou brun foncé) qui est utilisé.
Après une surabondance de dorures sur les plats à l'extérieur, les reliures jansénistes imposent des compositions plus épurées. La couleur et les décors vont alors s’immiscer à l'intérieur du livre. Les gardes sont richement décorées et colorées. Les papiers marbrés font leur apparition, et sont utilisés en tant que papiers de garde.
Durant le 18e siècle, le cuir diversifie ses couleurs : maroquins crème, bleu, citron, vert olive pour les reliures de luxe.
Le relieur n'est désormais plus anonyme, il privilégie un type de cuir pour son propre style de décor, qu'il commence à signer. Les tranches sont également colorées ou dorées.
Le « lieur » ne fait alors plus seulement le lien entre les cahiers. La diversité des matériaux (cuirs, papiers) et des techniques qu'il emploie, nécessite qu'il sollicite d'autres métiers. Un seul livre implique aussi un tanneur, un marbreur, un doreur. Chaque exemplaire d'un livre présente ainsi son unicité.
La lithographie ou l'explosion de la couleurLes tranches ornées