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L'ordre et la symbolique des couleurs au Moyen Âge

Les pensées et les croyances des hommes du Moyen Âge sont bien loin
des nôtres, et leur façon d'appréhender et d'utiliser les couleurs peut surprendre.

La période médiévale a le goût des matières brillantes et des teintes éclatantes dans un monde où la lumière des lampes à huile est encore rare.


Diurnale, seu officium beatae Mariae virginis
15e s.
RES MS A 52

Pendant le haut Moyen Âge et jusqu'au 13e siècle, trois couleurs jouent un rôle symbolique plus fort que les autres : le noir, le blanc et le rouge. Dans les manuscrits, le rouge est particulièrement dominant à travers la rubrication. Puis un nouvel ordre des couleurs lui succède, caractérisé par l'immense promotion du bleu (alors considéré comme une couleur chaude) et le passage de 3 couleurs de base à 6 : blanc, rouge, noir, vert, jaune et bleu. La gamme s'élargit grâce à de nouveaux pigments ou colorants plus faciles à trouver.

La palette des couleurs est particulièrement étendue dans le livre d'heures, qui se développe à la fin du Moyen Âge en lien avec le culte marial. La décoration des bordures se perfectionne : aux baguettes et guirlandes de lierre existant auparavant, s'ajoutent les larges feuilles d'acanthe empruntés à des modèles italiens et les semis de fleurs variées traités avec un fort relief et une précision de botaniste.

Horae canoniales
15e s.
RES MS A 53

Les couleurs éclairent le sens d'une image ou d'un texte, et obéissent à une symbolique souvent antinomique.

  • Le rouge est la couleur prestigieuse, celle des riches, des puissants, symbole de la puissance, de l'amour et de la vie. Mais il y a le bon et le mauvais rouge. C'est en effet aussi la couleur du diable et de l'enfer.
  • Le bleu, peu valorisé avant le 12e siècle, devient la plus belle des couleurs et représente le ciel et la présence de Dieu, la loyauté et la justice, mais il peut aussi signifier la sottise. Le noir devient alors la couleur négative.
  • Le vert est une teinte difficile à obtenir et à fixer. Il met en valeur ou symbolise l'instable, l'éphémère, le mouvant... : la jeunesse, l'espérance, mais aussi le désespoir. Associé au jaune, il devient la couleur de la folie ou de la mélancolie. Curieusement, le vert est peu associé à la nature qui peut être noire, rouge ou blanche.
  • Le jaune est également difficile à fabriquer, ce qui en fait la couleur des brigands et des traîtres, de la paresse et de l'avarice. Quand elle est or, c'est une bonne couleur, représentant la foi et la noblesse.
  • Le blanc, considéré comme une couleur à part entière, symbolise la lumière, la pureté, mais également la mort et le désespoir.
  • Le noir est lui aussi ambivalent. Le bon noir est celui de l'humilité, de la modestie, de la tempérance. Le mauvais noir est celui des ténèbres, de l'enfer, du péché, du Diable.
  • Enfin, l'orange est mal vu à cause du tabou des mélanges. A partir du 13e siècle, cette couleur apparaît comme le signe iconographique premier du rejet ou de l'infamie, du mensonge et de la trahison.

La fonction d'une couleur n'est donc pas seulement descriptive mais sert à classer et à hiérarchiser.

THEODORE DE GAZA. Yραμματικῆς εἰσαγωγῆς = grammatica græca
16e s.
RES MS A 71



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