Le livre imprimé et la couleur : une préoccupation précoce
L'invention de l'imprimerie en Occident date du milieu du 15e siècle. Elle résulte notamment des progrès techniques en métallurgie, de la diffusion d'un nouveau matériau, le papier, et d'une demande croissante pour l'écrit,
liée entre autres au nombre des personnes maîtrisant la lecture.
Les livres obtenus ressemblent alors beaucoup aux manuscrits. On appelle aujourd'hui ces tout premiers livres imprimés des « incunables ».
Les livres sont imprimés généralement en noir. Mais dès le départ, la couleur peut être présente, appliquée à la main ou imprimée.
Dans le cas de la couleur appliquée à la main, l'ouvrage est imprimé en laissant un espace vide à l'endroit où la lettre manuscrite sera ajoutée. La lettre manquante peut aussi être imprimée, mais de petite taille, de manière à être recouverte facilement par l'enlumineur ; on parle dans ce cas de « lettre d'attente ».
L'impression terminée, l'ouvrage est confié à un enlumineur, qui s'occupe de combler les espaces, de manière plus ou moins élaborée selon la destination finale du livre. Certains ouvrages ne sont pas terminés, d'autres gardent encore toutes leurs lettres d'attente intactes.
Guillaume DURAND. Speculum judiciale. |
De la même manière, des enluminures peuvent être rajoutées après l'impression, ou bien des gravures sur bois imprimées en noir peuvent être colorées, voire entièrement repeintes.
Werner ROLEWINCK. Fasciculus temporum. |
Mais la couleur peut aussi être imprimée. Qu'il s'agisse du texte, des illustrations ou de l'ornementation, il s'agit le plus souvent de rouge. Les premiers essais sont précoces.
Plusieurs méthodes coexistent. La plus fréquente nécessite un passage à la presse pour chacune des couleurs à imprimer. Mais elle nécessite du temps et un repérage précis, sous peine d'obtenir un décalage entre les mots de différentes couleurs, voire un chevauchement. Pour cette raison, ce procédé est souvent réservé à la seule page de titre, ou bien à certains domaines, comme le droit ou la liturgie, où la couleur est une aide importante pour se repérer dans le texte.
Pour l'impression des illustrations et de l'ornementation en couleur, diverses méthodes se présentent : impression avec un passage à la presse pour chaque couleur, encrage séparé des différents éléments constituant la page avec un seul passage à la presse, encrage d'une même matrice à l'aide de plusieurs couleurs, utilisation de pochoirs,...
Petit à petit, le recours aux enlumineurs se raréfie. La plupart du temps, la mise en couleurs manuelle, notamment d'illustrations, ne résulte pas d’une volonté de l’auteur ou de l'imprimeur, mais concerne un exemplaire particulier et donc, un possesseur. Les livres sont imprimés en noir le plus souvent, mais l'usage d'imprimer les pages de titre en rouge et noir survivra jusqu'au 18e siècle.
Focus sur le scriptorium d’AlbiDans la continuité du Moyen-âge : la mise en couleur manuelle