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La représentation du monde au Moyen-âge

Les Mappae mundi

Les progrès cartographiques au Moyen-âge diffèrent grandement selon les aires géographiques. Les géographes arabes sont ainsi bien plus précis que leurs homologues européens à la même époque.

Le terme mappa mundi désigne une carte du monde réalisée au Moyen-âge en Europe. Elles sont un mélange de géographie gréco-latine et d'héritage chrétien représentant la terre habitée. Elles sont le reflet de ces deux traditions.

La Mappa mundi d'Albi (VIIIe siècle)

La Mappa mundi d'Albi est l'une des deux plus anciennes cartes du monde présenté dans sa globalité, non symbolique, ni abstraite, conservées à ce jour. Elle date de la deuxième moitié du VIIIe siècle. C'est un document d'une importance exceptionnelle pour l'histoire mondiale de la cartographie, et, plus largement, pour l'histoire de la représentation de l'espace. Elle est immédiatement suivie d'un Index des vents et des mers. L'ensemble a été inscrit au registre Mémoire du monde de l'UNESCO en octobre 2015.

   

Mappa mundi d'Albi dans: Miscellanea, VIIIe siècle, Médiathèque Pierre-Amalric, RES MS 29 (115).

Par exemple, la répartition tripartite de la Terre avec les trois continents connus correspond à la division établie par les Grecs, mais aussi à l'héritage biblique du partage de la Terre entre les trois fils de Noé après le Déluge : Sem pour l'Asie, Cham pour l'Afrique et Japhet pour l'Europe.

La plupart des mappae mundi sont orientées au sens propre du terme, c'est-à-dire que l'est se trouve en haut de la carte. Cette orientation est symbolique. Le soleil levant est associé à la localisation du Paradis terrestre, et il est aussi assimilé au Christ.

Les cartes médiévales peuvent être regroupées en trois catégories. La première correspond aux mappemondes hémisphériques où la Terre est représentée en entier, comprenant la partie habitée connue au nord, mais aussi, la partie habitable inconnue (Antipodes) au sud. Les illustrations des écrits de Macrobe (auteur du IVe siècle après J.-C.) évoquant les cinq zones climatiques en sont un exemple. Ces cartes sont généralement orientées au nord.

Le monde selon Macrobe

Macrobe (370-43.), écrivain, philosophe et philologue de l'Antiquité, est l'auteur du Commentaire du Songe de Scipion de Cicéron, dans lequel il décrit un monde partagé en cinq zones climatiques: zone froide (frigida), zone tempérée (temperata), zone torride (perusta), zone tempérée et zone froide. Un océan coupe la carte en deux et entoure les continents. Les Antipodes, terres inconnues, se trouvent au sud. Il s'agit d'une représentation d'une mappemonde de type hémisphérique. (Cf. panneau « La représentation du monde au Moyen Age »).

   

Carte des cinq zones climatiques dans: Macrobe, De Somno Scipionis, 1501, Médiathèque Pierre-Amalric, RES ROCH 316.

Le deuxième groupe est représenté par les mappemondes oecuméniques, ou les cartes dites du « T dans le O ». Elles montrent les trois continents connus : l’Asie en haut, l'Europe et l'Afrique en bas. Le O correspond à l'océan infranchissable qui entoure le monde ; les continents sont séparés par la lettre T qui représente la Méditerranée pour la barre verticale et les fleuves Tanaïs et Nil pour la barre horizontale. Petit à petit, cette image s'estompe sous la diversité des informations ajoutées comme les montagnes, les villes, les fleuves.

Mappa mundi des Grandes chroniques de Saint-Denis (exemplaire du XIVe siècle)

Les Chroniques de Saint-Denis sont des chroniques des rois de France compilées à l'abbaye de Saint-Denis aux XIIe et XIIIe siècles. L'abbaye est à cette époque très proche du pouvoir royal, étant la dépositaire des insignes de la royauté et la nécropole des rois de France. La carte présentée est issue d'un exemplaire du XIVe siècle des Grandes chroniques, conservé à la bibliothèque Sainte-Geneviève (Paris). C'est une carte du monde de forme « T dans le O ». Elle est centrée sur Jérusalem ; le paradis est dessiné en haut de la page. La mer Rouge figure en rouge ; les douze vents sont mentionnés autour de l'océan.

   

Grandes chroniques de Saint-Denis, XIVe siècle, Bibliothèque Sainte-Geneviève, Paris, MS 782 (cliché IRHT)

Un grand nombre de détails s'additionne jusqu'au moment où les cartes médiévales deviennent des encyclopédies géographiques. L'image est surchargée de détails et le TO ne se voit plus.

Enfin, le troisième groupe est une catégorie intermédiaire : ce sont les mappemondes mixtes où se combinent la forme hémisphérique et la configuration de l'oecumène (la terre habitée entourée par l'océan). Les trois continents connus occupent 90 % de la carte, mais une représentation sommaire des pays d'au-delà du tropique est également visible.

La Mappa mundi de Gérone (975)

La Mappa mundi présentée se trouve dans un manuscrit de Beatus de Liébana, conservé à la cathédrale de Gérone et datant de 975. C'est une carte médiévale de type « mixte » (cf. partie « La représentation du monde au Moyen Age ») avec la représentation des trois continents du côté gauche de la carte et la mention d'un quatrième continent sur la droite. La carte est orientée à l'est avec Adam et Eve figurant en haut de la page : ils représentent le Paradis terrestre. La Terre est entourée par l'océan, où sont dessinés des poissons et des monstres marins, ainsi que des îles.

   

Emeterio y En, Mappa mundi de Beato de Liebana, 975, Propriété du Chapitre cathédral de Gérone, Musée du Trésor de la Cathédrale de Gérone, MS. 10

La géographie arabe médiévale

Au VIIIe siècle émerge une géographie scientifique. Avec l'expansion de l'Islam vers l'Europe et l'Asie, de nombreux ouvrages sont rassemblés et traduits en arabe, notamment des ouvrages de géographie grecque. La Géographie de Ptolémée est traduite, elle constitue la base de la géographie arabe. Les mappemondes arabes sont de deux types. Elles peuvent être une représentation de la terre habitée, ou une géographie administrative avec une description des routes, des pays de l’empire et des itinéraires. Les Arabes, reprenant les travaux des Grecs, vont faire revivre la tradition scientifique de la cartographie.

Les mappemondes arabes ont généralement la particularité d'être centrées sur la Mecque et orientées avec le sud en haut de la page. Au XIe siècle, la géographie arabe est à son apogée : elle est constituée de récits de voyages, de descriptions du monde et de considérations philosophiques. Il existe des ouvrages de compilation géographique. L’une des plus connues est celle d'Al-Idrisi qui décrit le monde avec ses pays, ses villes, ses routes, ses mers, ses fleuves et ses montagnes. Mais, en complément des informations géographiques, se trouvent des éléments économiques, commerciaux, historiques et religieux.

La carte d'Al-Idrisi (XIIe siècle)

Muhammad Al-Idrisi (1100-1165), géographe et naturaliste arabe, est en 1139 au service du roi Roger II de Sicile. Celui-ci lui demande de faire une compilation des savoirs de son époque. Pendant près de vingt ans, Al-Idrisi collecte des informations afin de rédiger un atlas du monde connu. La carte représentée est issue du Livre du divertissement de celui qui désire parcourir le monde, plus connu sous le nom du Livre de Roger. Il s'agit de la représentation du monde de façon circulaire avec le sud placé en haut de la carte. La Terre est entourée d'un océan, l'océan Indien (à gauche) et la Méditerranée (à droite) s'avancent dans les terres.

   

Muḥammad ibn Muḥammad al-Idrīsī, Nuzhat al-muštāq fī iḫtirāq al-āfāq, fin XIIIe s.-début XIVe, BnF, Département des Manuscrits, Arabe 2221.

La carte d'Al-Istakhrî (Xe siècle)

Al-Istakhrî, géographe iranien, a réalisé cette carte du monde au Xe siècle, conservée à Leyde dans une bibliothèque universitaire. Elle est divisée en provinces, puis en arrondissements centrés sur une ville. A gauche de la carte, se trouve l'océan Indien, tandis qu'à droite, figure la mer Méditerrannée avec les fleuves Don et Nil. Deux autres mers sont représentées : la mer Caspienne et la mer d'Aral. L'Europe se trouve dans le triangle, en bas à droite de la carte.

   

Abu Isḥāq Ibrāhīm ibn Muḥammad Iṣṭakhrī, [An abridgement of Kitāb al-masālik wa-al-mamālik], 1193, Leiden University Libraries, Or. 1301



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