Précédent
Suivant

Visions du monde

Des visions différentes du monde

Le planisphère actuel est une image habituelle et connue. Mais il s'agit d'un choix arbitraire de la représentation, d'une perception politique du monde. La carte du monde que nous connaissons a non seulement évolué, mais cohabite encore avec d'autres versions, qui peuvent nous sembler surprenantes.

Les cartes que nous connaissons en France et avons l'habitude de voir ont pratiquement toutes les mêmes caractéristiques. L’Europe se trouve au centre de la carte, le nord en haut, le sud en bas, l'ouest à gauche et l'est à droite. Cette représentation du globe sous-entend que les pays placés au centre ont plus d'importance que les autres. D'ailleurs, suivant l'endroit où l’homme se trouve sur le globe, la représentation de la Terre change. Les cartes sont ainsi différentes d'un continent à un autre.

Le monde, vu d'Europe

La carte présentée montre la vision du monde que nous connaissons en France. L'Europe est placée au centre de la carte, et la projection utilisée est celle de Mercator. Publiée ici dans une encyclopédie Larousse, (donc à très grand tirage), c'est cette vision du monde que les Français et Européens partagent, celle que l'on voit tous les jours.

   

Grand mémento Larousse, 1936, Médiathèque Pierre-Amalric, Cuq 2431.

C'est un choix arbitraire, une perception politique du monde. Cette représentation du globe sous-entend que les pays placés au centre ont plus d'importance que les autres. D'ailleurs, suivant l'endroit où l’homme se trouve sur le globe, la représentation de la Terre change. Les cartes sont ainsi différentes d'un continent à un autre. Il existe des planisphères centrés sur le Pacifique, où l'Asie et l’Océanie se trouvent au milieu de la carte. L’océan Pacifique est alors figuré en entier tandis que l'Atlantique est coupé en deux. Cette représentation est couramment utilisée en Chine. D'autres cartes sont centrées sur les Amériques. Dans ce cas, le continent asiatique est coupé en deux, et les océans Atlantique et Pacifique apparaissent en entier.

Ce sont trois planisphères différents et donc trois façons de percevoir le monde. Cette perception diffère donc suivant les cultures. Réaliser une carte nécessite de faire des choix; souvent le cartographe représente son pays au centre du monde.

Des cartes « orientées » au nord

Il existe également une autre vision du monde, très différente de celle que l'on connaît : celle où le nord et le sud sont inversés. Aujourd’hui dans la représentation de la Terre, le nord est placé en haut de la carte. C'est une convention cartographique appliquée sur la majorité des cartes. Ce choix date du XVe siècle avec l'utilisation de la boussole, apparue en Europe vers le XIIe siècle. Cet instrument de navigation constitué d'une aiguille magnétisée qui indique le Nord magnétique, est utilisé par les navigateurs qui orientent donc les cartes vers le nord. Une autre raison de cette pratique est une vision hiérarchique du monde : ce qui est en haut a plus de valeur que ce qui est en bas.

Un monde orienté au Sud

La Cosmographie de Pierre Apian paraît pour la première fois en 1524. Ce livre est destiné d'abord aux navigateurs, auxquels il donne des informations astronomiques et cartographiques. Il est illustré de gravures des constellations, de la lune et de volvelles. Le globe terrestre présenté est orienté au sud avec l'Asie et l'Europe en bas de la carte, et l'Afrique en haut. Les trois continents sont entourés par l'océan. Tout autour de la sphère, les douze vents sont représentés par des têtes soufflantes.

   

Pierre Apian, Cosmographie, 1585, Médiathèque Pierre-Amalric, RES A 451.

Régulièrement, des cartes « inversées » sont réalisées. Ainsi, au XVIe siècle, par le Français Nicolas Desliens, ou en 1979 par Mc Arthur, un Australien lassé de voir son pays dans un coin en bas de la carte. Ce type de représentation, tout aussi juste que les cartes habituelles, est souvent utilisé dans l'hémisphère sud, notamment en Australie, pour montrer que cette zone aussi peut être en haut du monde.

Une vision du monde inversée par Nicolas Desliens (XVIe siècle)

Nicolas Desliens, originaire de Dieppe, réalise ce planisphère en 1566. C'est une carte inversée, où le sud se trouve en haut de la page. C'est également une carte politique, qui indique les diverses possessions de la France, de l'Espagne, du Portugal, par le biais de pavillons dessinés. Huit vents sont représentés autour de la carte et la Terre Australe est appelée « Java la grande ». Ce planisphère est destiné à la navigation, ce qui explique le choix de l'orientation, car cette disposition ne gêne pas les marins de la Renaissance.

   

Nicolas Desliens, Planisphère, 1566, BnF, Département des Cartes et Plans, GE D-7895 (RES).

 Une carte est donc toujours subjective ; il existe mille façons de représenter le monde.

 

Quand les artistes s'inspirent des cartographes

L'artiste allemande Tina Flau propose ici une relecture moderne de la carte du géographe Muhammad Al-Idrisi (1100-1165). Son livre d'artiste prend la forme d'un leporello (livre accordéon), qui épouse l'étirement de la carte originale. Elle joue également sur les sens de lecture : le titre allemand et le titre en arabe sont en début et en fin d'accordéon, suivant le sens de lecture de chaque écriture. Au verso du leporello, un dégradé de couleurs traduit les climats. Les perforations présentes sur l'ensemble de la carte symbolisent quant à elles les villes. En voici une courte présentation vidéo, réalisée à l'occasion des Nuits de la lecture 2020.
 

 

Tina Flau, Horizonte, 2017, Médiathèque Pierre-Amalric, RES D 53.



  Projection cartographique, une autre façon de voir le monde